A l’ombre du costume colonial
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Le costume colonial, porté par « l’homme blanc » en Afrique, en Inde et en Asie, a une double nature : symbole de la domination coloniale d’une part… et phénomène de mode « hygiéniste » occidentale de l’autre.
Au XIXe siècle, le Royaume-Uni, la France, la Belgique, les Pays-Bas, l’Allemagne et l’Italie installent leur domination sur des territoires d’Afrique, d’Asie, d’Amérique et d’Océanie. Si les « colons de peuplement », c’est-à-dire les agriculteurs, artisans, commerçants installés durablement dans les colonies se vêtent plutôt à l’occidentale, sans forcément de signes particuliers, les administrateurs, militaires, ethnologues, savants et voyageurs adoptent un costume spécifique, dont l’élément le plus remarquable est le couvre-chef.
Ce chapeau léger, fabriqué en fibres végétales, en moelle ou en liège, est couvert d’une couche de tissu et percé de petits trous de ventilation. On l’appelle « salacot » — issu du « salakot » philippin, un couvre-chef à la forme semblable ; on le connaîtra ensuite sous le nom de « casque colonial ». Son objectif premier est très concret : se protéger de l’insolation. Dans l’imaginaire européen, les espaces tropicaux vont de pair avec la maladie, et s’en prémunir est une préoccupation constante. Les scientifiques considèrent aussi que l’homme blanc n’est pas naturellement adapté au soleil et aux températures chaudes, et qu’il doit donc s’en protéger autant que possible. Le port du salacot s’impose d’abord en Inde chez les soldats britanniques puis chez les civils. Le personnel militaire et administratif l’adopte dans les colonies tropicales à partir de 1870. De la fin du XIXe au début du XXe siècle, toutes les puissances coloniales utilisent leurs propres versions du salacot : il est un élément à part entière de la mode européenne.
On peut bien sûr y percevoir aussi un symbole de domination plus ou moins conscient. Le salacot est dans la plupart des cas blanc — couleur que l’on préserve avec une pâte colorante spéciale, appelée « blanc de casque » ; assez haut sur la tête, il donne l’impression de grandir son porteur, et renforce le contraste avec la population locale, qui va tête nue. Son image est indissociable de la colonisation : on la retrouve à l’époque sur les affiches d’engagement dans les troupes coloniales, sur les publicités des Expositions coloniales, et, aujourd’hui, sur la plupart des représentations des colons. Il est aujourd’hui un des objets les plus symboliques de l’impérialisme européen.
Uniformes militaires espagnols aux Philippines en 1862 montrant le salakot (à droite) porté dans le cadre du trage de campaña (uniforme de campagne).
En dehors du casque, le costume colonial se compose généralement de vêtements adaptés au climat tropical mais pensés pour conserver « l’élégance européenne ». Les hommes portent des chemises en toile de coton ou de lin, souvent blanches ou de teintes claires, afin de limiter les effets de la chaleur et de renvoyer la lumière. Elles s’accompagnent de vestes ou de sahariennes, une pièce emblématique avec ses poches plaquées et sa coupe droite. Les pantalons, eux aussi en tissus légers, se portent droits ou rentrés dans de hautes bottes de cuir, censées protéger des morsures de serpents et des piqûres d’insectes. Les chaussures fermées sont privilégiées, même dans des environnements humides, car elles représentent un signe de distinction face aux pratiques vestimentaires locales. Les colons complètent souvent leur tenue par des gants et parfois des ceintures de tissu ou de cuir, qui accentuent la silhouette tout en affirmant un certain formalisme. Quant aux femmes, elles adaptent les robes européennes aux contraintes climatiques : tissus plus légers, manches raccourcies, mais maintien du corsage et de la jupe longue, perpétuant ainsi un idéal de respectabilité importé des métropoles. Ce costume, au-delà de son aspect pratique, traduit une volonté de marquer la différence culturelle et sociale avec les populations colonisées, en affichant une continuité vestimentaire avec la société européenne malgré la rupture géographique.
Durant les décolonisations, des éléments du costume colonial — notamment le casque, sont repris par les militaires ou les populations locales. Après la guerre d’Indochine en 1946, par exemple, le casque colonial est porté par l’Armée populaire vietnamienne. De la même façon, après l’obtention de l’indépendance du Kenya en 1963, les membres des administrations de province arborent les casques et les uniformes autrefois portés par les colons. Cette réappropriation devient la marque de l’indépendance face à la domination coloniale, et le symbole de la résistance à l’impérialisme européen.
Anna F.
L’Inde, première terre où se déploya ce costume colonial, offre aujourd’hui un patrimoine d’une richesse incomparable. Découvrez-le aux côtés de nos conférenciers Intermèdes.
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