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Artistes et artisans au Moyen Âge

La figure même de l’artiste est très complexe à cerner au Moyen Âge, elle évolue sans cesse durant un millénaire et recoupe celle de l’artisan, d’autant plus que cette distinction n’apparaît qu’à l’aube de la Renaissance.

En effet, le même terme latin d’artifex recouvre les deux notions différenciées à l’époque moderne. Vasari, dans ses Vies des plus excellents peintres, sculpteurs et architectes1, retient ceux qu’il juge comme ayant joué un rôle exceptionnel et fondateur, en les classant, et en jetant plusieurs bases de l’histoire de l’art.

La figure de l’artiste, véritable génie prométhéen inspiré par les dieux, existait déjà dans l’Antiquité gréco-romaine, comme l’illustre par exemple la figure de Praxitèle2. Cependant, à partir du haut Moyen Âge, les noms des auteurs d’œuvres d’art sont très rarement connus, et il faut en général s’attacher à la notion d’atelier.

Toutefois cette situation évolue très notablement à la fin de la période médiévale, et le statut social des architectes, sculpteurs, orfèvres ou peintres progresse considérablement, annonçant le statut de l’artiste moderne.

de l'artisan à l'artiste

Si l’Antiquité gréco-romaine ignore la distinction entre artiste et artisan, elle célèbre le génie de certains de ses créateurs : par exemple, la liste des sculpteurs grecs connus à la fois dans les textes et par des copies de l’époque romaine est longue. Parallèlement, la nature de l'art fait l’objet d’un questionnement philosophique, lié à la notion de beauté, en particulier chez Platon ou Aristote3.

L’artisan est à la fois détenteur d’une expérience pratique et d’un savoir qui débouche sur la création artistique, d’une technique, d’un ensemble de procédés visant à obtenir un certain résultat : « l'art est le système des enseignements universels, vrais, utiles, partagés par tous, tendant vers une seule et même fin. »4 Ainsi, les plus habiles des artisans se distinguent-ils des autres.

Dans l’Antiquité tardive, sans doute avec le développement de l’art chrétien, la personne de l’artisan tend à s’effacer devant l’œuvre, de nature transcendante. Ainsi, les peintures des catacombes, les mosaïques des basiliques ne sont pas signées, et les noms des architectes sont en général ignorés. Dans la continuité, le haut Moyen Âge ne personnalise guère ses productions artistiques.

Le début de la reconnaissance des artistes

Il faut attendre l’époque carolingienne pour pouvoir citer entre autres exemples Eudes de Metz, maître d’œuvre de Charlemagne pour la rotonde d’Aix-La-Chapelle, ou l’orfèvre de l’autel de Saint-Ambroise de Milan au IXe siècle, Volvinus, qui se représente couronné par le Christ.

Avec l’époque romane, alors que l’image religieuse ne cesse de prendre de l’importance, les noms tendent à se multiplier sur les œuvres, ce qui traduit une évolution du statut du créateur. Des inscriptions sur les chapiteaux, Isembardus à Bernay ou Umbertus à Saint-Benoît-sur-Loire, par exemple, mentionnent parfois le sculpteur.

Au dôme de Modène, le maître d’œuvre Lanfranco et le sculpteur Wiligelmo sont clairement cités. La plaque de cloture du chœur du dôme de Parme figurant la Déposition de Croix porte le nom de Benedetto Antelami et la date de 1178.

La première plaque de l'histoire de Génèse, sur la façade de la cathédrale de Modène, en Emilie Romagne

Première plaque de la cathédrale de Modène

Si les sculptures de la porte du baptistère voisin sont aussi probablement son œuvre, comme le suggère le même prénom Benedetto inscrit sur la porte nord, beaucoup d’autres œuvres lui ont été attribuées sans preuves directes, au point de reconstituer une biographie hypothétique du personnage.

À partir de cet exemple se posent des questions fondamentales sur lesquelles existent peu d’indices avant les XIIIe-XIVe siècles. En effet, les artisans ne travaillent pas seuls mais en atelier, et forment des apprentis qui contribuent plus tard à la diffusion d’un style. Les créateurs s’influencent souvent mutuellement.

Les modèles circulent à travers des carnets, des plans, comme on peut le constater au XIIIe siècle avec le carnet de Villard de Honnecourt, dont la diversité des relevés et des documents copiés témoignent d’un large intérêt de l’auteur.

À partir des XIIIe-XIVe siècles, on connaît beaucoup mieux la formation et le statut des artistes, le fonctionnement des ateliers, le processus des commandes et l’élaboration des œuvres. Le statut social de l’artisan change, l’idée de l’artiste de l’époque moderne apparaît en filigrane.

Ainsi Pierre de Montreuil, important architecte parisien du milieu du XIIIe siècle, auteur du transept sud de Notre-Dame, était enterré dans la chapelle de la Vierge qu’il avait conçue pour l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés, avec la qualification exceptionnelle de docteur ès pierres5. L’emploi de docteur, titre universitaire exclusivement, utilisé ici pour un maître artisan, est révélateur de l’exceptionnelle science du personnage pour ses contemporains.

Au XIVe siècle, le roi Charles V est le parrain de Charles, fils de Raymond du Temple, son « maître des œuvres de maçonnerie » ; il verse une rente à son filleul durant ses études et le fait entrer à son service comme notaire. Le statut des maîtres d’œuvres se renforce en prestige mais aussi en attributions : devis, travaux, expertises, rapports, inspections…

Ils sont au service des monarques, mais aussi des princes et des communautés urbaines. Il en va de même pour les autres artisans, sculpteurs, peintres, orfèvres...

À la fin du Moyen Âge, les artisans sont formés auprès d’un maître, lui-même agréé par une corporation ou guilde auprès de qui son titre a été reconnu pour son art. Ces corps de métiers sont apparus à partir du XIIIe siècle, et ne cessent de se renforcer : les peintres appartiennent ainsi à la guilde de saint Luc, ce dernier ayant d’après la tradition représenté la Vierge à l’enfant.

Certains artistes, tel André Beauneveu, peintre, sculpteur et auteur de cartons de vitraux dans la seconde moitié du XIVe siècle, sont experts dans plusieurs arts, préfigurant la figure de l’artiste de la Renaissance.

D’ailleurs, Vasari cite certains de ces peintres de la fin du Moyen Âge qui ont joué un rôle exceptionnel : ainsi Jan Van Eyck, qui entre en 1425 au service du duc de Bourgogne Philippe le Bon dont il devient un proche. Il participe à des ambassades, le duc est parrain de son fils et l’apprécie au plus au point.6 Artiste de cour, il reçoit aussi des commandes prestigieuses de grands personnages tels le chancelier Nicolas Rolin7.

Le rayonnement de son œuvre se diffuse en Europe. Il perfectionne des techniques comme la peinture à l’huile, traduit le sens du détail et de la matière représentée avec virtuosité, donne l’illusion de la profondeur… La figure de l’artiste au sens moderne du terme était née.

Bibliographie

A. ERLANDE-BRANDENBURG, La cathédrale, Paris, Fayard, 1989.

A. ERLANDE-BRANDENBURG, De pierre, d'or et de feu. La création artistique au Moyen Âge, IVe-XIIIe siècle, Paris, Fayard, 1999.

A. ERLANDE-BRANDENBURG, Le sacre de l'artiste. La création au Moyen Âge, XIVe-XVe siècle, Paris, Fayard, 2000.

Ch. PRIGENT (dir.). Art et société en France au XVe siècle, Paris, Maisonneuve et Larose, 1999.

Le plaisir de l’art du Moyen Âge. Commande, production et réception de l’oeuvre d’art. Mélanges offerts à Xavier Barral i Altet, Paris, Picard, 2012.

1 Le Vite de' più eccellenti pittori, scultori e architettori,

2 A. PASQUIER et J.-L. MARTINEZ, Praxitèle. Catalogue de l'exposition au musée du Louvre, 23 mars-18 juin 2007, Paris, éditions du Louvre et Somogy, 2007.

3 Platon dans l'Ion et l'Hippias majeur ou Aristote dans la Poétique abordent cette question.

4 Ars est systema præceptorum universalium, verorum, utilium, consentientium, ad unum eumdemque finem tendentium (attribuée à Galien).

5 Flos plenus morum, vivens doctor lathomorum Musterolo natus iacet hic Petrus tumulatus Quem rex celorum perducat in alta polorum Christi milleno, bis centeno, duodeno Cum quinquageno quarto decessit in anno (Fleur pleine de bien, de son vivant docteur ès pierres, né à Montreuil, ici gît enterré Pierre, que le roi des cieux conduira au plus haut des pôles. Il mourut l’an du Christ mille, deux fois cent, douze et cinquante-quatre)

6 « Nous le voulons entretenir pour certains grans ouvraiges, en quoy l'entendons occuper cy après et que nous trouverions point le pareil à nostre gré ni si excellent en son art et science »[]. Lettre du duc datée du 2 mars 1435

7 Site du Musée du Louvre, la Vierge du chancelier Rolin à la loupe : http://musee.louvre.fr/oal/viergerolin/indexFR.html

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Avec

Thierry Soulard

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