La malle, emporter sa vie en voyage

Découvrez comment la malle, cet objet si ingénieux, a accompagné les évolutions du voyage et des modes de transport, pour finalement devenir la valise à roulettes que nous connaissons.

Au XVIIe siècle, seules les élites et certaines professions voyagent – marchands, militaires, diplomates… Certains traversent le pays, d’autres s’en vont vers les colonies. Pour transporter leurs effets, on construit des malles, souvent directement au port, avec les bois exotiques rapportés par les vaisseaux, résistants à l’humidité et aux parasites. Avec un couvercle convexe et des renforts métalliques aux angles, la malle est au départ simple et sans fioriture, plus pratique que le coffre utilisé jusqu’à présent.

Les malles et la voiture

Avec le début des voyages d’agrément au XVIIIe siècle, les malles deviennent incontournables. Pour aller du Sud-Ouest à la capitale, il faut en moyenne compter une vingtaine de jours. Cette durée, plus celle du temps sur place et celle du retour, justifie une quantité conséquente de bagages. En préparation du voyage, les domestiques des familles aisées les marquent aux initiales de Monsieur, de Madame ou de leurs enfants, et les numérotent afin de savoir dans quelle pièce les défaire et où ranger leur contenu. On peut voyager de plusieurs manières en fonction de ses moyens : en « poste », c’est-à-dire avec une voiture à cheval particulière que l’on loue, allant de relais en relais sur le réseau des postes ; en malle-poste, la voiture qui transporte le courrier sur ce même réseau et qui peut accueillir – inconfortablement – quelques passagers ; puis, plus tard, en diligence. Au XIXe siècle, on crée la « malle automobile », spécialement adaptée aux voitures à cheval, puis, plus tard, aux voitures automobiles. Les malletiers de la maison Moynat brevètent successivement plusieurs dispositifs : des systèmes d’arrimage qui permettent de maintenir la malle sur l’impériale d’abord, puis sur les porte-bagages à l’arrière de la voiture ; et une malle à glissement latéral qui inspirera le coffre des voitures modernes.

La Malle-poste, Adam, Victor (Jean-Victor Adam, dit) (Paris, 28–01–1801 - Viroflay, 30–12–1866), dessinateur

Paquebot et train, les malles se diversifient

A partir des années 1840, le chemin de fer se développe largement – en 1837 ouvre la première ligne réservée aux voyageurs, Paris–Saint-Germain. A peu près au même moment, avec l’essor des expatriations dans les colonies et les progrès techniques, les traversées en paquebot deviennent courantes. Les malles s’adaptent à ces nouveaux moyens de transport, et se rangent d’autant plus facilement que leur couvercle est maintenant plat – une innovation apportée par Louis Vuitton en 1858. Elles se déclinent en toutes sortes de modèles. Pour qu’elles puissent être placées sous le lit de la cabine du paquebot, d’une hauteur d’à peu près 33 centimètres, on conçoit des malles-cabines aux bonnes dimensions. Les malles-armoires présentent en général des casiers et une partie longue où suspendre les cintres, et viennent parfois avec des accessoires comme une table à repasser. Les malles-commodes comportent de nombreux tiroirs. Petites et maniables, les malles-valises sont facilement transportables. Les fabricants laissent libre cours à leur imagination, et proposent finalement des modèles de malles pour tous les usages : malles-bibliothèques, malles-secrétaires, malles-lits, malles à chaussures, malles à chapeau… En 1873 la maison Moynat implante les malles en osier, plus légères, en France, et des malles en camphrier spécialement conçues pour la bonne conservation des fourrures. L’usage de la malle se maintient encore, notamment avec l’âge d’or des traversées en paquebots et des voyages ferroviaires – la mythique ligne de l’Orient Express est ouverte en 1891 ; le Normandie, fleuron de la Compagnie générale transatlantique, se lance en 1935.

Malle-secrétaire à chaussure Lily Pons (Louis Vuitton) 1925, Musée du bagage à Haguenau.

De la malle à la valise

A partir du XXe siècle, l’automobile individuelle se démocratise, et des routes touristiques voient le jour. Roi des grands voyages jusqu’aux années 1950, le paquebot tombe progressivement en désuétude alors que l’avion réduit largement la durée des trajets. Les voyages étant plus courts, on a besoin de moins de bagages ; ils doivent aussi tenir dans les coffres des voitures et dans les paniers des avions ; et ils doivent aussi pouvoir être portés facilement par le voyageur lui-même – jusqu’à présent, des transporteurs et les compagnies en ont la charge. Les malles se miniaturisent donc, dans la lignée des malles-valises. En 1970, l’ingénieur américain Bernard Sadow a l’idée d’ajouter quatre petites roues sous une valise et de la tirer grâce à une sangle. Il dépose deux ans plus tard le brevet pour la « rolling luggage », « valise roulante ». Le système met un peu de temps à s’imposer, l’image d’un homme tirant sa valise perturbant les critères de virilité de l’époque. Il trouve son plein succès avec l’invention, en 1987, du « rollboard », une valise verticale munie de deux roulettes et d’une poignée télescopique – quasiment le même modèle que nous connaissons aujourd’hui.

Anna F.

Et puisque la malle a longtemps accompagné les voyageurs sur les routes de France, poursuivez le voyage et redécouvrez ce pays aux mille itinéraires avec nos conférenciers Intermèdes.