Andrea Mantegna, maître du Quattrocento

Le 3 avril 2015, deux ans après le tremblement de terre qui a endommagé la tour nord-est du château de San Giorgio, la Chambre des Époux, œuvre magistrale d'Andrea Mantegna sera rouverte au public...

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Le 3 avril 2015, deux ans après le tremblement de terre qui a endommagé la tour nord-est du château de San Giorgio, la Chambre des Époux, œuvre magistrale d'Andrea Mantegna sera rouverte au public...

Chambre ? Conformément aux habitudes de la cour, la « Camera » servait à la fois de chambre à coucher et de salle d’audience. Le maître des lieux y recevait, c'était donc un endroit privilégié. La pièce est située à l’étage noble de la tour nord orientale du château de San Giorgio et incluse dans le palais ducal. Elle possède deux portes et deux fenêtres, dont l’une offre une vue sur le lac qui entoure pratiquement toute la ville. Pour apprécier cette salle à sa juste valeur, il faut d’abord savoir qu’elle constitue en soi une véritable prouesse illusionniste. L’éclairage étant essentiel à l’illusion, Mantegna s’attacha à différencier une lumière réelle diffusée par les deux fenêtres et illumina les reliefs du plafond, les pilastres et les figures debout sur le lambris. Une lumière « extérieure », éclaire le paysage lointain et les figures penchées au-dessus de l’oculus.

Dans un de ses tableaux peint avant de quitter Padoue, intitulé « Mort de la Vierge », on voit la ville encerclée de marécages et de lacs créés par le fleuve Mincio. La grande nouveauté initiée par cette peinture est l’ouverture de l’architecture par une fenêtre, donnant sur un extraordinaire paysage : le lac Mezzo formé par le fleuve et refermé par le bourg de San Giorgio. L’œil a ainsi l’illusion de sortir des limites de la pièce. Cette vue précise correspondait à ce que l’on pouvait voir en se penchant d’une des fenêtres de la « Chambre des Époux ». Il existe chez Mantegna, une relation d'un paysage inséré dans l'espace d'un lieu humain par la grâce d'une ouverture, comme une image dans l'image. On peut donc en déduire que le tableau était destiné, à l’origine, à décorer une pièce du château de Mantoue. L’illusion de la réalité, que l’artiste a recherchée depuis le début de sa carrière, atteint dans cette œuvre un résultat tout à fait spectaculaire.

Andrea Mantegna est né en 1431, à Isola di Cartura, petite localité de Vénétie située entre Vicence et Padoue. Très jeune, il se rendit dans cette ville où il entra dans l'atelier de Francesco Squarcione (1397-1468).
Sous domination vénitienne depuis le début du XVe siècle, Padoue entretient d’étroites relations avec Venise qui n’est distante que d’une cinquantaine de kilomètres. Plusieurs artistes possèdent un atelier dans chacune des deux villes. Squarcione est de ceux-là et c’est au cours d’un long séjour dans la cité des doges avec son maître, en 1448, que Mantegna va décider de s’affranchir de sa tutelle. Il y a fait la connaissance des Bellini, une famille de peintres dont l’atelier fondé par Jacopo, féru lui aussi d’antiquités, travaille pour les plus hautes instances de la ville. Son mariage, en 1452, avec la fille du patriarche, Nicolosia, scelle son association avec le clan tandis que s’esquisse un échange fécond avec Giovanni Bellini, fils naturel de Jacopo et jeune prodige du même âge que lui. Dans ces années, Mantegna était tout proche de Bellini, auquel il s'était d'ailleurs apparenté (beau-frère). Proches par leur milieu, éloignés par leur art, Mantegna n'était que dogme et Bellini que foi. Le premier était méthodique, le second spontané... Mais son lien privilégié avec la Sérénissime tient aussi au fait que ses rares commanditaires – Jacopo Marcello, Ludovico Trevisano, Gregorio Correr, Jacopo Cornaro – sont pour la plupart d’origine vénitienne.  
À Padoue, les temps étaient venus pour que s'expriment les nouvelles tendances artistiques. Un grand humaniste, Palla Strozzi, qui s'était exilé à Florence, avait apporté à Padoue non seulement son savoir, mais aussi une façon de vivre, c'est-à-dire une culture nouvelle, celle qui s'était développée en Toscane, grâce aux Médicis. De Toscane encore étaient venus un certain nombre de protagonistes de l'art nouveau, et ils avaient laissé plusieurs œuvres sur place : Filippo Lippi, Paolo Uccello, Andrea del Casta.
La personnalité de Mantegna et son œuvre ont pris alors un relief et une importance exceptionnels : c'est lui en effet qui, dans les villes de la vallée du Pô, a rompu définitivement avec le style gothique, toujours vivace en plein milieu du XVè siècle.

En 1460, donnant suite aux demandes pressantes de Ludovico Gonzague, duc de Mantoue, Mantegna s'installa dans cette ville. Il y devint le peintre de la cour et exécuta, entre autres, les décorations pour la chapelle du château de San Giorgio. À Mantoue, Mantegna est chargé d'honneurs et de commandes. Cela commence par le décor de la Chambre des Époux (1465-1474) du palais ducal, véritable tour de force illusionniste, qui met en scène la cour des princes et courtisans dans un effet de trompe l’œil total. En 1466 et en 1467, l'artiste se rend à Florence et à Pise, où il eut certainement l'occasion d'approfondir sa connaissance de l'art raffiné qui était là-bas en pleine expansion. Il va plus loin dans la voie ouverte par Masaccio. Ses figures sont aussi sculpturales et grandioses mais il introduit la notion de perspective pour édifier la scène où ses personnages évoluent comme des acteurs dont il serait le metteur en scène. L'effet est théâtral. Ensuite le goût très prononcé de Mantegna pour l'archéologie, donne un cadre souvent tiré de l'antiquité romaine à ses fonds. Dès 1465, la décoration de la chambre du palais ducal, que l'on appela ensuite « Camera magna picta » débutèrent. Les travaux furent terminés en 1474. La « Chambre des Époux » devint célèbre par la suite c'est l'œuvre la plus importante de la maturité de l'artiste. Sa vision humaniste s'y montre pleinement. Mantegna représente et réunit les personnages de la famille Gonzague (Le marquis Ludovico rencontre son fils le cardinal Francesco ; La Cour de Ludovico Gonzague et de sa femme Barbara de Brandebourg). Ces personnages se trouvent placés dans un milieu idéal, devant une cité imaginaire telle que pouvait la concevoir un artiste sous l'influence des œuvres d'Alberti. En haut, la voûte de la chambre semble annulée par la perspective feinte qui donne des dimensions nouvelles et illusoires à un lieu dont les proportions sont relativement petites (25m²). Une lanterne ouvre sur le ciel le plafond de la salle. Accoudées à la balustrade peinte et représentées dans un audacieux raccourci se tiennent des figures de putti et de jeunes femmes. Avec cette grande composition, Mantegna a jeté les bases de la peinture scénographique qui trouvera son développement dans l'art de Corrège et, au-delà, dans l'illusionnisme  baroque. Ce qui distingue les cinq jeunes filles qui jettent un regard moqueur du haut de l’oculus, c’est leur coiffure. Si la première peigne sa longue chevelure avec un peigne, ses deux compagnes portent des nattes roulées sur les oreilles. De l’autre côté du pot d’oranger, la femme et sa servante noire portent un voile sur leurs cheveux coiffés. Dans l’Italie de la Renaissance, aux jeunes filles seules était concédé de pouvoir porter leurs cheveux flottant sur les épaules, mais à partir du mariage, l’usage imposait que la nouvelle épouse nouât et voilât sa chevelure. Ce que montre la séquence féminine à l’intérieur de l’oculus, c’est ce changement de statut qu’implique le mariage symbolisé par l’oranger en pot. Mantegna aime se jouer discrètement de son spectateur : la servante noire, en touchant le bâton sur lequel est maintenu en équilibre l’oranger, menace de faire dégringoler le pot sur le crâne de celui qui la regarde. Si cet oculus ressemble à un habile trompe-l’œil destiné à surprendre et à divertir le spectateur, en réalité, il répète sur un mode plus intime et dans un esprit ludique, le thème du mariage princier.

En 1443, à l’occasion de fêtes mémorables, l’empereur Frédéric de Habsbourg avait conféré aux Gonzague le titre de marquis et, afin de confirmer cette alliance avec la couronne impériale, l’une de ses petites-nièces, Barbara, âgée alors de onze ans, avait été promise à l’héritier Ludovico.
Pendant plus de quarante ans, Mantegna occupe la place de peintre de cour à Mantoue. Il servira successivement trois marquis de la dynastie des Gonzaga : Ludovico jusqu’en 1478, son héritier Federico qui meurt peu après en 1484, puis son petit-fils Francesco, époux d’Isabelle d’Este. A côté des sujets religieux, le choix de thèmes politiques exaltent la puissance dynastique du marquis de Mantoue et célèbrent les triomphes militaires de ses célèbres condottiere. Les Gonzague réalisèrent un coup de maître en obtenant de Mantegna qu’il renonce, en quittant sa ville de Padoue, à sa liberté et aux bénéfices du passage révolutionnaire de Donatello, pour mener une vie de courtisan et travailler « pour un patron ». Mais, en 1460, Ludovico Gonzaga, prince cultivé et débordant de propositions novatrices, y est parvenu. Revêtu de classicisme, l’art à Mantoue prenait une orientation nouvelle qui devait lui donner le prestige. Conformément à la pratique en vigueur, les travaux débutèrent par le plafond, et se poursuivant par le mur de la cheminée avec les portraits de Ludovico et Barbara de Brandebourg puis avec les autres murs dans le sens des aiguilles d’une montre pour finir par celui où l’on voit Ludovico accueillant son fils, intitulé « la Rencontre ». La place du prince est indiqué par une série de signes hiérarchiques : le tapis persan, dit « à la Holbein », sous les pieds du marquis et la tenture relevée qui forme comme un dais au-dessus de son fauteuil.
Comme l’autorise la fonction semi privée de cette salle d’audience, Ludovico gouverne chaussé de pantoufles. Sous son fauteuil, veille Rubino, son chien préféré. L’attention quasi obsessive que Mantegna portait au détail et au raffinement fit qu’il s’écoula neuf ans entre le début et la fin des travaux, et que, durant cette période, les enfants grandirent, les adultes vieillirent, les courtisans furent remplacés ou moururent. Ces changements durent être pris en considération lors de l’exécution de la commande. Les visiteurs auxquels était concédé le droit de pénétrer dans la salle où le marquis accordait des audiences privées devaient être fort impressionnés de la confrontation entre la personne réelle et son effigie reproduite en peinture sur les murs.
Comme l’indique le nom qu’elle portait au XVe siècle, la « Camera picta » est entièrement peinte. Si, seuls deux de ses murs (Nord et Ouest) sont ornés des scènes historiées (La Cour et la Rencontre), les autres parois (Sud et Est) sont recouvertes de fausses tentures de brocard doré dont la fonction, certes décorative, est avant tout de rendre visible la dialectique qui organise le cycle autour des notions de privé-publique, caché-montré, intérieur-extérieur, immobile-en mouvement… Il faut noter, au passage, la sobriété des couleurs qui sera aussi une des caractéristiques de l'art de Mantegna.
Andrea Mantegna mourut le 13 septembre 1506. Parmi ceux qui le regrettèrent figure Albrecht Dürer. Il rapporta qu’à ce moment-là, il avait éprouvé « la plus grande douleur de sa vie ». Dürer l’avait découvert et égalé, à sa manière, dans une série de dessins exécutés au cours de son premier voyage à Venise entre 1494 et 1495.

I. Aubert

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