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L’expansion normande en Italie du sud, des Pouilles à la Sicile

L’Apulie avant les Normands

Dans la partie orientale de l’Italie du sud, le long de la mer Adriatique jusqu’à la mer Ionienne, s’étend l’Apulie (devenu La Puglia italienne, en français la Pouille ou les Pouilles). Dès le VIIIe siècle av. J.-C., les Grecs s’étaient implantés dans la région, devenue romaine à partir du IIIe siècle av. J.-C. Après la disparition de l’Empire romain d’Occident (476) et la brève domination des Ostrogoths du roi Théodoric (493-526), l’empereur Justinien fait entre 535 et 553 la reconquête de la péninsule, alors dépendante de Constantinople.

Dans la seconde moitié du VIe siècle, les Lombards, peuple d’origine germanique, s’installent en Italie et se rendent maîtres d’une grande partie de la péninsule, en particulier du nord. Au sud se constitue le puissant duché lombard de Bénévent, duquel est issue au IXe siècle la principauté de Salerne, alors que les Byzantins, isolés de Constantinople, sont repoussés tout à fait au Sud en Calabre et dans le Salento, partie méridionale des Pouilles.

Les luttes entre les Lombards et les Byzantins marquent désormais l’histoire de l’Italie méridionale, alors que les Sarrasins créent un émirat en Sicile, après une série de campagnes militaires entre 827 et 902, et lancent des attaques contre les Pouilles. L’arrivée des Normands au début du XIe siècle va totalement changer la situation de cette région morcelée, en seulement quelques décennies…

Premiers contacts avec les Normands

Depuis 911, des normands (étymologiquement « hommes du Nord », principalement des vikings venus de Norvège ou du Danemark) sont implantés dans la région qui prendra leur nom, le duché de Normandie. Le roi carolingien Charles le Simple a en effet traité avec le jarl (chef) Rollon pour fixer ces redoutables guerriers à l’embouchure de la Seine. Désormais un puissant duché vassal protègera Paris contre les incursions des autres Normands, qui ravagent la Grande-Bretagne mais aussi le sud de l’Europe, menant des raids en Espagne, en Méditerranée et même en Afrique du Nord.

Deux chroniques évoquent les premiers contacts des Normands du duché français dans le sud de l’Italie. Aimé du Mont-Cassin mentionne, dans son Histoire, le passage à Salerne vers l’an mil de quarante pèlerins normands revenant de Jérusalem, qui auraient contribué à repousser l’assaut d’une flotte musulmane, faisant preuve d’une bravoure exceptionnelle. Selon la chronique de Guillaume de Pouille, un groupe de pèlerins normands serait venu vers 1016 au grand sanctuaire de l’archange Michel au Monte Gargano, tenu par les Lombards, et aurait noué des contacts avec le chef lombard Mélès de Bari, qui voulait mener la guerre contre les Byzantins. De retour dans le duché de Normandie, ces voyageurs auraient vanté la richesse des terres qu’ils avaient découvertes...

Les mercenaires normands

Dans le duché de Normandie, vers l’an mil, le système féodal est solidement implanté.  La puissante autorité du duc lui permet de condamner à l’exil les auteurs de crimes d’honneur ou les opposants politiques. Ainsi, Osmond Drengot, qui aurait assassiné, devant le duc Robert le Magnifique, un certain Guillaume Repostel qui s’était vanté d'avoir déshonoré sa fille, s’exile en Italie avec ses quatre frères, mettant d’abord leur épée au service des Lombards. En 1030, Rainolf Drengot, l’un des frères d’Osmond, est engagé par le duc byzantin de Naples et obtient le comté d’Aversa (dans la province actuelle de Caserte, en Campanie), premier territoire normand en Italie. Cependant il rallie les Lombards en 1034 : les Normands souhaitent maintenir un équilibre des forces entre Byzantins et Lombards qui leur ouvre des perspectives…

Une autre cause de l’émigration normande est le manque de terres dû à la multiplication des fiefs dans le duché densément peuplé. Ainsi Tancrède de Hauteville, père des futurs héros de la conquête, possède un fief situé dans le Cotentin. Mais son patrimoine ne suffit pas pour lotir ses douze fils (issus de deux unions). Guillaume et Drogon, nés de son premier mariage, arrivent ainsi en 1035 dans le comté d’Aversa, puis se mettent au service des princes lombards de Capoue puis de Salerne. En 1038, accompagnés de 300 chevaliers normands, ils participent à une expédition byzantine contre les musulmans de Sicile au cours de laquelle s’illustre Guillaume : au siège de Syracuse, il embroche son adversaire de sa lance et gagne ainsi son surnom de « Bras de Fer ».

 

La fondation du comté d’Apulie

Dès 1040, les Normands se retournent contre les Byzantins au côté des Lombards. Ils se fixent à Melfi et décident de cesser d’être des mercenaires : en septembre 1042, ils élisent pour chef Guillaume Bras de Fer avec le titre de comte d’Apulie, avec l’assentiment du prince Guaimar IV de Salerne. Douze comtés vassaux sont alors constitués pour les compagnons normands de Guillaume, autour des cités reprises aux Grecs l’année précédente (« le partage de Melfi » en 1043), parmi lesquelles Ascoli (tenu par Guillaume lui-même), Acerenza,  Montepeloso, Venosa (tenu par son frère Drogon), Lavello, Monopoli, Cannes, Civitate, Trani, Monte San Angelo… Melfi a un statut particulier : capitale commune, elle est tenue conjointement par tous les comtes. Raynolf Drengot, déjà comte d’Aversa et allié des Hauteville, reçoit le fief de Monte San Angelo en remerciement.

Guillaume Bras de Fer entreprend alors avec son allié Guaimar de Salerne la conquête de la Calabre en 1044 aux dépens des Grecs. Il est rejoint par son autre frère Onfroi, arrivé avec quelques dizaines de guerriers qui se mettent à son service. En 1046, à sa mort (de maladie), son frère Drogon lui succède. Ce dernier prend Bénévent en 1047 et se proclame « duc et maître de l'Italie, comte des Normands et de toute l'Apulie et de la Calabre ». Il est reconnu par le prince Guaimar IV de Salerne dont il a épousé une des filles.

Vers 1048, Drogon mène une expédition en Calabre. Il est rejoint par son demi-frère Robert, qu’il laisse près de Cosenza, afin de poursuivre la conquête de la Calabre, mais aussi de l’éloigner de lui. Robert gagne alors son surnom de Guiscard, le rusé…« Les Calabrais terrifiés furent remplis d’effroi à l’arrivée de ce chef habité d’une telle fougue » (Guillaume de Pouille). Cependant Drogon est assassiné le 10 août 1051 par un Grec, dans la chapelle de son château, alors qu'il se préparait à mener campagne contre l’armée byzantine soutenue par le pape Léon IX.

 

L’intervention du pape contre les Normands

C'est alors le troisième frère issu de la première union de Tancrède de Hauteville, Onfroi, qui lui succède. Il châtie violemment les instigateurs de l'assassinat de son frère et fait scier vif le principal meurtrier. Surtout, il doit faire face à une puissante coalition : les Byzantins, battus à trois reprises, qui ne cessent de perdre du terrain, sollicitent l’aide du pape Léon IX, lui-même inquiet de la déferlante normande qui pourrait finir par menacer Rome. Le pontife reçoit l’appui de son cousin l’empereur germanique Henri III le Noir. La grande coalition militaire anti-normande a pour but d’écraser les Normands et de leur reprendre tous leurs fiefs.

La bataille de Civitate, près de Foggia, le 18 juin 1053, est contre toute attente un succès normand. Déjouant la manœuvre pontificale de prise en tenaille, ils attaquent en premier et battent d’abord l’armée byzantine, avant d’écraser les troupes du pape. Les guerriers germaniques leur donneront plus de fil à retordre, les 700 chevaliers souabes résistant bravement finiront cependant par se faire tuer jusqu’au dernier. Robert Guiscard, le demi-frère d'Onfroy, rentré de Calabre, s’illustre de façon impressionnante : sur son cheval, il fait des percées sanglantes dans les rangs allemands, « leur faisant sauter têtes, bras, jambes ». Le pape Léon IX, présent, est capturé et emprisonné neuf mois à Bénévent. Libéré, il est contraint de reconnaître la souveraineté normande sur l'Apulie. Rentré malade à Rome, il meurt peu après, le 19 avril 1054.

Robert Guiscard allié du pape

L’issue de la bataille de Civitate renforce le prestige des Hauteville, mais aussi celui de Richard 1er d'Aversa qui participait au combat. Le comté d’Aversa maintiendra d’ailleurs son indépendance jusque dans les années 1130, à l’époque des rois normands. Onfroy meurt en août 1057, confiant ses deux jeunes fils à son demi-frère Robert Guiscard, qui les évince et prend le pouvoir. Robert, très ambitieux, entreprend alors la conquête totale du sud de l’Italie.  Son frère Roger de Hauteville, qui l’a rejoint, l’appuie dans la conquête de la Calabre, dont les dernières places-fortes byzantines, Squillace et Reggio de Calabre, tombent en 1059.

La Papauté est alors isolée, la volonté de réformer l’Eglise ayant entraîné un conflit avec l’empereur germanique à propos de l’investiture du pape. Avec l’empereur de Constantinople les rapports ne sont pas bons non plus, à la suite du schisme de 1054. Le nouveau pape Nicolas II décide de reconnaître la légitimité des Normands, ses voisins, et d'en faire ses alliés, d’autant plus que Robert Guiscard veut prendre la Sicile sarrasine et la christianiser.

Le traité de Melfi, le 23 août 1059, fait de Robert Guiscard officiellement le duc d'Apulie, de Calabre et de Sicile, vassal de l’Église, chargé d’achever la conquête de tout le sud de l’Italie et d’y implanter le christianisme romain. Le duc, désormais l’égal du duc de Normandie, portera la bannière papale, versera un cens à l’Eglise et défendra le pape contre ses ennemis. Cette légitimation est un tournant essentiel dans l’expansion normande. Le pape reçoit aussi le serment de fidélité de Richard 1er d'Aversa, dont la présence est officialisée en Campanie.

 

Derniers combats contre l’empire grec

Après un long siège, Bari tombe le 15 avril 1071, malgré les efforts des Grecs. C’est la fin de la présence byzantine en Italie, toute l’Apulie et la Calabre sont ainsi normandes. Robert Guiscard planifie alors une attaque dans l’Empire grec, qui soutient les neveux de Robert, Abélard et Herman, fils évincés de son demi-frère Onfroy. Robert, qui avait fiancé en 1071 sa fille au fils de l’empereur Michel VII Doukas, évincé en 1078, vise le trône de Constantinople.

Une première expédition dans les Balkans, en mai 1081, permet à Robert de battre les troupes impériales et de prendre Corfou et Durazzo. Il doit alors rentrer pour protéger le pape contre l’empereur germanique, dont les troupes se retirent, mais dont les partisans résistent dans Rome. Il met alors la ville à sac en mai 1084. Il a laissé en Thessalie son fils aîné, Bohémond de Tarente, qui seconde son père. De retour en 1084, Robert, remporte de nouveaux succès mais meurt de fièvre le 15 juillet 1085 à Céphalonie.

Bohémond retourne alors en Italie, pour revendiquer la succession. Il est évincé par son demi-frère Roger Borsa, jeune et faible, mais appuyé par sa mère Sykelgaite de Salerne. Devenu prince de Tarente en 1088 à la suite d’une série de conflits, il abandonne ses revendications. Participant à la première croisade, il deviendra prince d’Antioche avant de rentrer à la suite de revers et de mourir dans les Pouilles à Canosa le 26 mars 1111, où l’on peut voir son beau tombeau de marbre.

 

La conquête de la Sicile

Le grand tour de la Sicile

Reste la Sicile sarrasine. La conquête a commencé à Messine en 1061, en s’appuyant sur l’appel lancé aux Normands par l’émir de Catane pour lutter contre un rival. Ce sera principalement l’œuvre de Roger de Hauteville, appuyé ponctuellement par son frère Robert Guiscard, malgré quelques conflits. La lutte fut longue et féroce, les villes, prises les unes après les autres, retombant parfois aux mains de l’ennemi.

Catane tombe en 1071, Palerme est prise le 7 janvier 1072 après un siège de plusieurs mois, bloquée tant par voie terrestre que maritime par la flotte de Robert Guiscard venu en renfort. Roger est reconnu comte de Sicile, vassal du duc Robert. Trapani et Castronovo sont enlevés en 1077, Syracuse en 1086 après la mort de Robert Guiscard, puis Agrigente (1087) et enfin Noto en 1090.

Le « grand comte Roger » meurt de causes naturelles le 22 juin 1101 à 70 ans dans son fief de Mileto en Calabre. Devenu indépendant du faible Roger Borsa d’Apulie, il a structuré la Sicile de manière originale, fusionnant les héritages grecs et sarrasins avec la culture normande. Après la régence de la comtesse Adélaïde de Montferrat (1101-1112), son fils Roger II lui succède comme comte de Sicile.

 

Le royaume de Sicile

En juin 1127, le fils de Roger Borsa, Guillaume, duc d'Apulie, meurt sans enfant. Roger II réclame alors la succession du duché d’Apulie. Mais le pape Honorius II, se sentant menacé, s'oppose à l'union de la Sicile et de l'Apulie. Battu l’année suivante, le pontife doit céder. A la mort d’Honorius II en 1130 deux papes, Innocent II et Anaclet II, sont élus. Le premier doit s’enfuir en France, alors que le second est appuyé par Roger II, qui obtient le titre de roi de Sicile, de Calabre et d'Apulie le 27 septembre 1130.

Roger II devra guerroyer plusieurs années pour s’imposer contre ses vassaux. La mort du pape Anaclet II le 25 janvier 1138 laisse le trône pontifical à Innocent II, qui refuse de confirmer le titre royal à Roger II. Toutefois, le 22 juillet 1139 à Galluccio sur le Garigliano, le pape est vaincu, fait prisonnier, et doit confirmer le 25 juillet. Il lancera des expéditions victorieuses en Méditerranée les années suivantes, tout en poursuivant le brassage unique des cultures et la symbiose culturelle esquissée par son père. II meurt à Palerme le 26 février 1154, laissant un royaume prospère mais toujours en proie aux révoltes des barons et aux menaces extérieures.

Sa fille posthume Constance de Hauteville, mariée en 1186 au fils de l’empereur Frédéric Barberousse, devenu l’empereur Henri VI en 1191 à la mort de son père, héritera du royaume de Sicile en 1194, qu’elle transmettra à son fils, le futur empereur Frédéric II, qualifié de Stupor mundi (la « Stupeur du monde ») et de « prodigieux transformateur des choses ». Une histoire exceptionnelle que nous vous raconterons un jour ! Par ailleurs, ce royaume, recouvrant toute l'Italie méridionale, avec Palerme et Naples, même s’il changera de maîtres, subsistera jusqu’en 1860…

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