L'appareil photo, immortaliser le voyage

L’invention de la photographie, au XIXe siècle, a changé la manière d’appréhender le voyage. De l’anthropologie au tourisme, l’appareil est devenu un accessoire incontournable de la découverte du monde.

Le XIXe siècle est celui de l’invention de la photographie, mais aussi du développement du voyage. Aventuriers ou poètes solitaires, expéditions scientifiques, missions religieuses et militaires : beaucoup se dotent de matériel. Le dessinateur et botaniste du muséum d’Histoire naturelle, Jean-François Turpin, est séduit en 1840 par le daguerréotype comme outil de représentation exacte de la nature. Les anthropologues occidentaux commencent à utiliser la photographie pour étudier dans le détail les corps des indigènes dans les lieux qu’ils visitent. Cette « photographie anthropologique » se penche particulièrement sur la figure de « l’autre » et sur tout ce qui peut paraître exotique. À partir de 1842, formé au daguerréotype, Philibert-Joseph Girault de Prangey réalise des centaines de plaques lors de ses voyages en Égypte, Italie, Palestine, Grèce, Syrie ou Turquie. Maxime Du Camp, ami de Gustave Flaubert, tire de nombreuses photographies de leur voyage en Orient dans les années 1850. Louis Rousseau, employé par le muséum d’Histoire naturelle, rapporte d’une expédition en Islande et au Groenland, en 1856, plus de 80 photographies. Elles représentent Reykjavik, les paysages, des habitations, des navires, des pêcheurs, des Esquimaux… Cette série est exposée au Palais royal en 1857. Aux côtés d’Alexandre Dumas, Gustave Le Gray immortalise une croisière en Méditerranée à bord du Moqueur en 1858.

Egypte - photographie- Joseph Philibert Girault de Prangey

Dans ces premiers temps de la diffusion de la photographie, les appareils ne sont pas adaptés au voyage. La première photographie connue est capturée en 1827 par l’ingénieur Nicéphore Niépce grâce à une version améliorée de la camera obscura. Son association avec Louis Daguerre aboutit à la création du daguerréotype, un procédé qui permet de reproduire une image sur une plaque d’argent. Les boîtiers sont alors lourds et imposants, les trépieds encombrants, les procédés complexes, les matériaux instables, le temps de pose très long ; et les conditions météorologiques variables de l’extérieur ne facilitent pas les choses. Progressivement, sous l’impulsion de plusieurs inventeurs, le procédé s’affine et les machines s’allègent. En 1841, William Talbot invente le procédé du calotype, qui permet d’obtenir un négatif, et donc de produire plusieurs tirages à partir d’une seule prise de vue. L’invention du Kodak n°1 par George Eastman en 1888 — un appareil portatif préchargé de film souple, bien plus maniable que les plaques de verre utilisées auparavant — révolutionne cette pratique : « You press the button, we do the rest », promet la publicité, ouvrant la photographie à un public amateur. Au XXᵉ siècle, la démocratisation s’accélère avec les appareils compacts argentiques, les diapositives et les Polaroids, qui rendent possible une photographie instantanée et intime du voyage. Les touristes des Trente Glorieuses, armés de leurs Leica ou Instamatic, construisent un récit personnel du monde, mêlant souvenirs et mise en scène. L’arrivée du numérique dans les années 1990, puis des smartphones dans les années 2000, transforme profondément la finalité de la photo : elle n’est plus seulement un souvenir, mais un acte de partage immédiat. Des plateformes comme Flickr d’abord, puis Instagram à partir de 2010, font du voyage un spectacle permanent, où la photographie devient un témoignage visuel mais aussi un outil de mise en scène de soi.

Anna F.

Parmi les premières terres immortalisées par l’objectif, l’Égypte occupe une place à part. Découvrez-la avec nos conférenciers Intermèdes.