Rome au temps des Borgia, de Léonard de Vinci à Michel Ange
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Mais à quoi ressemble donc l’Italie du XVème siècle ? Loin d’être unifiée, elle le sera au XIXème, elle est composée de duchés comme ceux de Savoie, de Parme, de Milan ou de Modène, de républiques comme celles de Venise, de Gènes, de Florence, de Sienne et Mantoue puis de royaumes comme Naples et la Sicile et enfin, reliant la Méditerranée à l’Adriatique, des Etats pontificaux dont Rome est capitale bien sûr.
Loin d’être unifiée, elle le sera au XIXème, elle est composée de duchés comme ceux de Savoie, de Parme, de Milan ou de Modène, de républiques comme celles de Venise, de Gènes, de Florence, de Sienne et Mantoue puis de royaumes comme Naples et la Sicile et enfin, reliant la Méditerranée à l’Adriatique, des Etats pontificaux dont Rome est capitale bien sûr.
Chacune de ces régions est tenue par des familles régnantes, Farnèse, Sforza, Este, Orsini, Gonzague, Médicis, Bourbon-Parme etc. alors que comme l’indique leur nom, les Etats pontificaux sont le domaine du pape.
Et la France à l’époque d’Alexandre VI Borgia ? La France est en pleine mutation : fin de la Guerre de cent ans sous Charles VII. Louis XI, son successeur, réaménage le royaume et Charles VIII puis Louis XII, successivement rois de France et tout aussi successivement époux d’Anne de Bretagne, initient une époque de véritable floraison artistique, inspirée par la découverte de l’art italien à travers les incursions de Charles VIII dans la péninsule et les Guerres d’Italie. C’est l’époque où l’art est favorisé par les commanditaires de plus en plus nombreux, qu’ils soient souverains, nobles, dignitaires ecclésiastiques, villes, confréries…
Sous le pontificat d’Alexandre VI, par exemple, Léonard de Vinci était l’homme de confiance de Ludovic Sforza. C’est grâce à ce mécénat qu’il peignit la Cène. Lorsque les Français envahissent Milan, le Duc s’enfuit de même que Léonard qui rejoint Rome où l’accueille César Borgia, le propre fils du pape, personnage à la réputation sulfureuse et à l’ambition sans limites.
Il entraîne l’artiste dans sa guerre de conquête de la Romagne où il montre tout ce dont il est capable, intelligence politique, talent de chef de guerre, sens de la diplomatie, aptitude à la tromperie et au parjure. Toutes « qualités » qui inspirent Machiavel pour son livre « Le Prince ».
En Romagne, Vinci rencontre des artisans de traditions diverses, des architectes, des ingénieurs qui lui apprennent beaucoup. César en fait son conseil militaire, lui octroyant un rôle majeur dans la préparation de sa guerre d’annexion. Mais César Borgia meurt prématurément et François 1er emmène Léonard de Vinci en France, dans la vallée de la Loire, pour le plus grand plaisir de sa cour.
Alonso de Borja est espagnol. Il a étudié le droit et vécu à la cour du roi d’Aragon dont il fut conseiller. Devenu évêque de Valence, en 1429, il « latinisa » son nom en Borgia. Nommé cardinal en 1444, il s’installe à Rome où il est élu pape, à 76 ans, sous le nom de Calixte III. Son neveu Rodrigo Borgia est cardinal et vice-chancelier du Saint Siège.
Il mène une vie dissolue, multiplie les maîtresses, les fêtes. Il a un palais, une cour, il est entouré d’artistes, il a une descendance qu’il entend assumer, il a en outre l’ambition obsédante de devenir pape. Pour y parvenir il s’est constitué un « réseau » d’obligés. Après Calixte, il y eut Paul II et Sixte IV. Enfin, le 26 août 1492, âgé de 61 ans, Rodrigo, le « Catalan » comme l’appellent ses ennemis, coiffe la tiare pontificale.
Et le pontificat de ce Borgia, devenu Alexandre VI, s’annonce déterminant pour susciter un mouvement dans l’art de la fresque. A peine élu, il commande à Bernardo di Betto, dit le Pinturicchio, l’ornement de ses appartements. Le peintre réalisa les trois chambres principales en deux ans.
Charles VIII, en visite au Vatican, en fut ébloui. Il faut impérativement aller voir les « appartements Borgia » ! Pinturicchio était natif de Pérouse tout comme son aîné de dix ans qui fut son maître : le Pérugin. Ce qui est certain, c’est qu’avec deux ateliers, l’un à Florence et l’autre à Pérouse, Le Pérugin fut le maître d’une pléiade d’artistes au nombre desquels on compte Raphaël (à voir au Musée Jacquemart André).
Les appartements Borgia ont fait l’objet d’un vaste programme de restauration, commencé en 2002, ce qui a permis de découvrir que les scènes avaient été peintes, de façon révolutionnaire, à sec sur une préparation de plâtre, en alternance avec la manière « a fresco ».
L’utilisation d’un stuc doré qui souligne les infrastructures des pièces comme un encadrement les rend plus précieuses. Il sculptait également des pièces de bois pour représenter certains détails, comme la tiare, afin de donner du relief à l’ensemble. Les fresques servirent pendant onze ans de décor au pape Borgia dans son rôle historique.
Le monde changeait : guerres d’Italie sur le plan politique, débordement de l’Empire Ottoman sur le plan religieux, oppositions à l’ordre établi de l’église avec un moine dominicain du nom de Savonarole qui règne sur Florence par la terreur, premières représentations d’individus venus d’un autre monde, avec le retour de Christophe Colomb…
Le successeur d’Alexandre VI, Jules II, s’installa au niveau supérieur où Raphaël lui peignit à fresque les Chambres que l’on visite également au Vatican. Ces « Chambres », en réalité appartements, montrent à quel point le mécénat des papes et d’autres dignitaires de l’Eglise ont fait avancer l’art dans toutes ses expressions.
Mais l’exposition donne à voir des œuvres inédites comme une Pietà de terre cuite, récemment attribuée à Michel Ange, remarquable de vérité et de sensibilité, elle aurait servi de modèle à l’inoubliable Pietà en marbre de Saint Pierre de Rome et un Christ en bois de peuplier ou de tilleul, polychrome, prêté par le Museo Nazionale del Bargello de Florence attribué également à Michel Ange.
En un mot si l’on ne peut aller sur place voir – in situ – le Quattrocento italien dans toute sa splendeur, cette exposition est comme un livre d’image qui déroule sous nos yeux un moment incroyablement riche de l’histoire de l’art.
I. Aubert
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