Des récits de voyages aux guides touristiques
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Les récits de voyage, mi-réalité, mi-fiction
Avant le XIXᵉ siècle, les récits de voyage constituent l’une des principales sources d’informations sur le monde. Loin de l’agrément, on part pour commercer, observer, convertir, explorer ou négocier. La curiosité géographique et ethnographique s’affirme, stimulée par les Grandes Découvertes et l’expansion coloniale européenne. Grâce à l’imprimerie, la diffusion des récits de voyage s’élargit dès le XVIᵉ siècle. Les aristocrates, les savants, les érudits et les ecclésiastiques en sont les lecteurs, avides de connaissances et désireux de parcourir par procuration des contrées lointaines. Les États et les compagnies maritimes exploitent aussi ces récits qui alimentent cartes, stratégies militaires et projets commerciaux. Ils ne sont pas pensés comme des manuels mais comme des témoignages personnels, souvent écrits à la première personne. Le ton de ces ouvrages oscille entre observation minutieuse et subjectivité assumée. Le voyageur décrit les paysages, les peuples rencontrés, les coutumes, et livre ses impressions personnelles, ses étonnements, souvent ses jugements moraux ou religieux. Le style est littéraire, narratif, souvent empreint d’un goût pour l’extraordinaire. Le récit cherche à captiver autant qu’à informer, et l’auteur se présente comme un témoin privilégié d’un ailleurs inaccessible.
Au XIIIᵉ siècle, Marco Polo, marchand vénitien, dicte en prison à Rustichello de Pise son Devisement du monde. Il y rapporte ses années passées en Asie et sa rencontre avec Kubilaï Khan, offrant à l’Europe une vision fabuleuse de l’Orient. Au XVIᵉ siècle, Jean de Léry, pasteur calviniste, publie son Histoire d’un voyage fait en la terre du Brésil, rédigée à la suite d’une expédition en 1557. Son témoignage allie la précision ethnographique des descriptions des Tupinambas et les échos des guerres de religion qui agitent alors la France. Au siècle suivant, François Bernier, médecin installé en Inde, fait paraître en 1670 son Voyage dans les États du Grand Mogol, qui connaît un succès considérable en Europe et livre une analyse détaillée de la cour moghole et de la société indienne. Enfin, au XVIIIᵉ siècle, Lady Mary Wortley Montagu accompagne son mari ambassadeur à Constantinople et compose ses Letters from Turkey. Ses observations inédites sur la société ottomane féminine ouvrent une perspective jusque-là inaccessible aux voyageurs masculins. Malgré l’intérêt géographique, culturel et ethnologique de ces récits, ils n'ont pas vocation de guide.
Extrait, Marco Polo, Livre des merveilles. Source Bibliothèque nationale de France » ou « Source gallica.bnf.fr / BnF
François Bernier — Voyage dans les États du Grand Mogol. Source Bibliothèque nationale de France » ou « Source gallica.bnf.fr / BnF
A partir du XIXe siècle, la donne change : la démocratisation du chemin de fer et des paquebots à vapeur facilitent les déplacements. Les bourgeois commencent à voyager pour le loisir, et pour se distinguer socialement. Le tourisme alpin, balnéaire ou culturel se développe. Un besoin d’informations pratiques se fait logiquement sentir : c’est en réponse que les guides touristiques apparaissent, d’abord en Allemagne, puis en Angleterre. Les premiers sont lancés par Heinrich Reichard, un écrivain journaliste, bibliothécaire et directeur de théâtre, en 1784. Le guide allemand rompt avec les récits de voyages habituellement publiés, en se voulant décrire de manière exhaustive les lieux, les visites, les excursions, les routes, les curiosités… Il est traduit en français dès 1793, et publié dans l’hexagone sous forme d’abrégé en 1803. Une vingtaine d’années plus tard, l’écrivain et libraire Jean-Marie-Vincent Audin prend le pseudonyme de J.-B Richard et publie le Guide classique du voyageur en Europe ; il lance ensuite les Guides Joanne, qui deviendront, après la Seconde Guerre mondiale, les Guides bleus. Hachette rachète la maison Richard au milieu du XIXe siècle, et établit un véritable monopole sur le marché français des guides touristiques. Pendant ce temps en Angleterre, la maison d’édition Murray publie les guides du même nom à partir de 1836. L’Allemand Karl Baedeker commence sa carrière en traduisant ces guides Murray ; il s’associe ensuite au Britannique, et le supplante finalement en révolutionnant le monde du guide touristique avec un format « de poche ». Contrairement aux guides précédents, qui s’apparentaient presque à des encyclopédies illustrées, les guides Baedeker ne pèsent que 500 grammes, présentent un contenu concis et pratique, et sont quasiment tous publiés en trois langues dès leur parution (allemand, français et anglais). Karl Baedeker refuse tout contenu publicitaire, et voyage lui-même, incognito, pour tester les établissements et les trains dont parlent ses guides. Il donne également à sa collection une identité visuelle marquante, avec une reliure rouge et des lettres dorées. Grâce à tout cela, les guides Baedeker deviennent une véritable référence dans de nombreux pays.
Ces guides de référence se voient progressivement concurrencés par la démocratisation de l’automobile, qui change la manière de voyager. Dès 1926, l’entreprise de pneumatiques Michelin lance une collection de guides consacrés à la découverte du patrimoine naturel et culturel — les Guides verts, encore édités aujourd’hui sous le nom de « Guide Voyages & Culture ». Après la Seconde Guerre mondiale, accompagné par ces guides au format pratique, illustrés en couleurs et accessibles à tous, le tourisme de masse se développe peu à peu. La collection Le Guide du routard est lancée en 1975, influencée par les back packers’ guides (« guides pour les voyages en sac à dos »), chez la maison d’édition Hachette. C’est le premier guide à être ouvertement destiné aux personnes moins à l’aise financièrement, plus aventurières et dans l’esprit baroudeur — le marcheur sur la couverture est à l’origine un jeune homme vêtu à la mode baba cool des années 70. Les rédacteurs n’hésitent pas à déconseiller des pratiques ou des destinations ; on peut trouver des phrases du type : « Fuyez tel restaurant qui vous traitera comme du bétail » ou encore « Adresse à éviter, cuisine insipide et service désagréable ». A la fin des années 70 apparait un autre concurrent, le Petit Futé : l’idée des créateurs est de proposer un ton plus accessible et léger, pour créer une complicité avec le lecteur, et de nombreux bons plans. Dans les années 80, la maison Gallimard lance sa propre collection de guides, tournée davantage vers l’art et la culture, sous le nom de Bibliothèque du voyageur ; puis, dans les années 90, la collection Guides Gallimard, plus pratiques. Dans la même décennie, les guides australiens Lonely Planet s’exportent à l’international, dont en France, proposant aussi des manières de voyager indépendantes et peu chères. Toutes ces collections existent encore aujourd’hui, malgré la concurrence féroce d’Internet, qui permet d’actualiser directement les informations. Les ventes s’érodent toutefois un peu plus chaque année.
Anna F.
Et puisque tant de grands récits de voyage ont commencé à Venise, poursuivez l’exploration en découvrant la Sérénissime avec nos conférenciers Intermèdes.
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