On sait par exemple que le « jardin spectacle » existait déjà chez les Égyptiens, on le constate sur les fresques du tombeau de Sennefer à Thèbes (vers 1500 avant J.-C.). On y détaille un espace carré central, couvert de vignes, autour duquel se développent des rangées de palmiers et de fruitiers entrecoupées de bassins. On apprend que les plantes vivrières alternent avec les fleurs cultivées à cette époque, comme le lotus et le papyrus mais aussi le pavot, le jasmin, les anémones et même les chrysanthèmes. Les crues du Nil apportent leur contribution à la végétation. C'est donc en Égypte que l'on place généralement l'origine des jardins d'Orient qui, avant même l'apparition de l'Islam, avaient créé une esthétique du jardin. Mais c'est en Perse que s'est cristallisée l'organisation arabo-musulmane du jardin d'agrément qui semble avoir inspiré l'image du jardin de Paradis dans le Coran, des mots Pairi (autour) et daeza (mur) qui a donné paradisus en latin, désignant un espace clos de murs.
De l'antiquité on garde la trace des jardins de Persépolis qui entouraient le palais de Darius 1er (522-486 avant J.-C.) qui furent presque complètement détruits au IVè siècle de notre ère par Alexandre le Grand. Il faut beaucoup d'imagination pour se les représenter car il n'en reste que le squelette mais on sait que, sur plusieurs hectares, s'étendait une forêt artificielle plantée d'arbres équidistants dont les espèces sont gravées dans le marbre en frises décoratives et que dans ces forêts, le roi Darius chassait le lion.
La conquête arabe a contribué à diffuser le modèle persan dans un espace allant de l'Inde à l'Espagne.
Le tout premier jardin islamique est sans doute une oasis, plantée de culture vivrières, mais c'est surtout en ville que le jardin oriental s'est développé. De la Perse d'autres foyers artistiques se sont propagés vers l'Asie Centrale, la Mésopotamie, l 'Empire gréco-romain et Byzance jusqu'en Égypte puis, par les pays du Maghreb, en Andalousie. L'image de jardin-paradis s'est transformée en jardin d'Allah !
La principale caractéristique du jardin islamique est la géométrie : ainsi, au départ, deux canaux se croisent dessinant quatre espaces qui symbolisent les quatre éléments (eau, terre, feu, air) et les quatre points cardinaux. L'intersection est marquée par un pavillon ou une fontaine. Cette formule cruciforme perdurera jusqu'aux jardins de l'Alhambra de Grenade (XIIIè.s.), jusqu'aux riads du Maghreb et aux palais et mosquées du Moyen-Orient, au XIXè siècle.
Une autre caractéristique du jardin islamique est le côté privatif comme coupé du monde extérieur, ce qui le rapproche du monde gréco-romain qui place le jardin au centre de l'habitation. Canaux et bassins ont une importance primordiale : ils divisent l'espace, irriguent les plantes, rafraîchissent l'air ambiant mais aussi et surtout offrent un miroir à l'architecture qui s'intègre dans le décor.
Ces jardins sont des œuvres d'art qui déclenchent la paix de tous les sens. On y admire la beauté des arrangements des plantes et des arbres, on y écoute le bruissement de l'eau des cascades et cascatelles et le chant des oiseaux. On y respire le parfum des fleurs. En un mot on s'y sent en paix avec soi-même.
Entourés de murs, ces jardins servent parfois d'écrin à un tombeau comme celui du poète Hafez à Chiraz.
Une exposition exceptionnelle à l'Institut du Monde Arabe, intitulée « Jardins d'Orient, de l'Alhambra au Taj Mahal, (19 avril/25 septembre 2016), place la question du jardin au cœur de la réflexion. La réalisation d'un jardin, sur le parvis de l'IMA, par le paysagiste Michel Pena, restaure les codes du jardin oriental en le traduisant dans un langage contemporain : à voir absolument.
I.Aubert