Le temps semble s'être arrêté à Matera

Matera : attraction touristique

La ville," honte nationale" vidée de ses habitants en 1953 pour cause d'insalubrité garde l'aspect irréel d'une colline hérissée de toits de tuiles claires, de clochers élancés et d'arcades soulignées d'ombres comme autant de points d'entrée vers les habitats creusés dans la roche, les Sassi.

Ce panorama, à la fois fascinant et inquiétant, en a fait très tôt un décor naturel pour les cinéastes. Depuis les années 50, les réalisateurs s'en sont emparés pour évoquer tour à tour la Palestine de la Bible ou la rudesse de la vie dans les villes italiennes du XIXe siècle. Déambuler dans ses artères sinueuses, c'est découvrir une histoire débutée aux temps préhistoriques, et dont l'ancienneté s'illustre encore dans les fresques laissées par les moines byzantins qui y creusèrent des ermitages.

Si les façades austères des palais, à peine rehaussées de frontons à accolades et de pilastres monumentaux, témoignent des périodes plus fastes de l'histoire de la cité, c'est le souvenir du livre de Carlo Levi, "Le Christ s'est arrêté à Eboli" qui flotte encore sur les pans de murs en ruines que l'on découvre de loin en loin.

Mais la capitale historique de la province déshéritée de la Basilicate décrite dans le roman profite de sa nomination en 2019 comme capitale européenne de la culture pour se refaire une beauté. Si désormais les galeries d'art y côtoient les hôtels de caractère, avec spa et wifi, la volonté du comité d'organisation a été de tourner le dos à une surexploitation touristique qui mettrait le site en péril.

Les artisans traditionnels, céramistes, sculpteurs et cuisiniers sont remis à l'honneur. Quant aux artistes et restaurateurs, ils ont reçu pour mission de se pencher sur la longue histoire de Matera pour la mettre en valeur en y inventant un tourisme respectueux du site et des habitants qui lui redonnent vie et en dessinent le futur.

Pierre-Alain Mallet