À lire avant de partir en Crète

Aborder l’histoire de la Crète par la littérature permet de renouer avec les valeurs de liberté et de fraternité qui mènent l’île vers son rattachement à la Grèce en 1913 après ses périodes arabe, byzantine, vénitienne et ottomane.

L’œuvre de Nikos Kazantzákis1 a renouvelé les thèmes de la littérature grecque au début du xxe siècle : elle correspond parfaitement à cette idée d’un engagement actif pour la liberté de son île natale et celle des Grecs. Le rapport au Greco, son dernière livre, présente le bilan de cette quête autour du monde et les valeurs de son combat. Bien entendu, les deux romans Alexis Zorba et Le Christ recrucifié, sont les plus connus grâce à leur adaptation au cinéma. À recommander surtout le roman La liberté ou la mort2, titre qui fait référence à la devise de la Grèce : l’histoire familiale de rivalité fraternelle et l’histoire de la Crète, dans un contexte d’opposition politique gréco-turque, s’entremêlent dans cette épopée aux personnages attachants.

Les anciens Grecs présentaient déjà la Crète comme le centre de leur civilisation et de son renouveau : la mythologie place l’enfance de Zeus sur la montagne Ida et la victoire de l’Athénien Thésée sur le Minotaure symbolise le recouvrement de la liberté. En littérature, la Crète est également un fervent foyer de culture grecque. L’œuvre d’Odysséas Elýtis accompagnera tout le trajet sur cette terre de Crète montagneuse et sauvage. Né à Héraklion en 1911 et prix Nobel de littérature en 1979, Odysséas Elýtis est un poète proche des surréalistes et un ami de René Char et d’Albert Camus. Ses poèmes, sur un fond de tradition grecque et de mythologie, dévoilent une sensibilité complexe, épique et solaire. Pour une première approche de son œuvre poétique, il est possible de lire en édition bilingue certains poèmes choisis et traduits par Angélique Ionatos, également responsable de la composition musicale de certains de ces textes, parus sous le titre Le soleil sait – une anthologie vagabonde (éditions Cheyne, 2015).

La Crète des combats pour la liberté et pour l’honneur devient une source nouvelle de légendes et entre dans le mythe de l’épopée grecque grâce à Pandelis Prévélakis, à une période de pessimisme et de démythification des idéologies. Pandelis Prévélakis né dans le village de Pighi près de Réthymno en 1909 est connu surtout pour sa trilogie intitulée Le Crétois, paru entre 1948 et 1950. Jacques Lacarrière, traducteur en 1962 de cette trilogie aux éditions Gallimard, explique le sentiment complexe qui résulte d’une lecture plurielle : P. Prévélakis « ne décrit pas seulement l'enfance et les années d'épreuves d'un futur créateur mais aussi - et peut-être avant tout - l'apprentissage de la lucidité ». L’été grec de J. Lacarrière, publié en 1976, complète la compréhension de l’œuvre de Prévélakis et montre la vision de la Crète à travers la littérature ainsi que la maturation de la pensée de J. Lacarrière. Lire la trilogie et son commentaire romancé noue une intimité profonde avec la culture crétoise du mythe et de l’épopée ; avec l’image d’une île aux multiples visages ; avec un vrai sentiment d’attachement à l’Humanité et à ses valeurs à travers les douleurs, les doutes et la fierté grecque.

1 https://www.telerama.fr/livre/trois-raisons-de-re-lire-nikos-kazantzaki,141530.php

2 Traduit du grec par Gisèle Prassinos et Pierre Fridas, sous le titre La liberté et la mort, publié en 2016, aux éditions Cambourakis, https://www.cambourakis.com/