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Splendeur du christianisme antique en Transjordanie

Région du Proche-Orient considérée comme marginale, la Transjordanie, devenue pour l’essentiel province d’Arabie en 106 de notre ère après l’intégration de la Nabatène à l’Empire romain, n’en a pas moins connu, à la faveur de la paix que Rome puis Constantinople ont su garantir, des périodes de grande prospérité qui se sont prolongées bien après la conquête de la région par les armées de l’Islam au VIIe siècle.

HISTOIRE DU CHRISTIANISME EN TRANSJORDANIE

Cette prospérité, fondée sur les produits de l’agriculture (céréales, huile d’olive, vin, figues), de l’élevage et de l’artisanat (travail du cuivre, orfèvrerie, tissage) ainsi que sur les échanges commerciaux, s’est traduite par un développement sans précédent de l’urbanisation dont témoignent les vestiges de sites prestigieux comme Pétra et Jérash, mais aussi de bourgades plus modestes comme la petite ville de Madaba ou le camp fortifié d’Umm al-Rasas, situé en bordure de la steppe et qui s’est doublé plus tard d’un important centre de pèlerinage chrétien.

Si les deux premiers siècles et demi de notre ère ont certainement été le moment où la traduction de cette prospérité dans l’espace urbain a été la plus remarquable, sitôt passée la grande crise qu’a connu l’Empire romain au IIIe siècle, c’est sur les bases mises en place à la période précédente que la région a connu un nouvel essor, marqué désormais par le triomphe d’une nouvelle religion : le christianisme.

Le christianisme transjordanien nous est aujourd’hui bien connu grâce au travail des archéologues, des épigraphistes et des historiens, qui nous a permis d’en apprécier toutes les richesses ; à cet égard, il faut signaler l’œuvre accomplie par le Père franciscain Michele Piccirillo (1944-2009), qui nous en a livré les résultats dans un ouvrage de synthèse intitulé L’Arabie chrétienne (Mengès, Paris, 2002).

Le christianisme a déjà une longue histoire derrière lui en Transjordanie, au moment où l’empereur Constantin, au début du IVe siècle, lui témoigne toute sa faveur.

En effet, la proximité de la Palestine avait permis à l’Evangile de se diffuser très tôt sur la rive orientale du Jourdain, dans une région où la tradition situe d’ailleurs certains épisodes de la vie du Christ et de ses contemporains : son baptême par Jean-Baptiste aurait ainsi eu lieu sur la rive orientale du fleuve, de même que Machéronte, la forteresse où le Précurseur a connu son martyre, dominait la mer Morte à l’orient.

La présence des premières communautés explicitement attestée par des sources écrites ne remonte cependant qu’au IIIe siècle; ces communautés ont d’ailleurs payé un lourd tribut de sang lors de la dernière grande persécution qu’a connue le christianisme au début du IVe siècle du fait du pouvoir impérial : on a, par exemple, conservé le souvenir de l’officier Zénon et de son serviteur Zizia, martyrisés pour s’être opposés à l’arrestation des chrétiens de la ville de Philadelphie/Amman.

L’œuvre d’Eusèbe de Césarée, qui écrit au début du IVe siècle, ainsi que la participation d’évêques de la province d’Arabie au célèbre Concile de Nicée en 325, témoignent de la vigueur et de l’organisation des communautés chrétiennes de la région.

Comme partout, les divisions administratives de l’Empire romain ont été le plus souvent adoptées : les évêques dépendaient de l’évêque métropolitain de leur province, qui dépendait à son tour d’un siège patriarcal, Rome, Alexandrie, Antioche, auxquels furent adjoints plus tard Jérusalem et Constantinople.

Ainsi les évêques de la province d’Arabie dépendaient-ils de l’archevêque de Bosra, qui dépendait lui-même du patriarche d’Antioche, mais les réaménagements postérieurs de la province d’Arabie vinrent par la suite altérer ce schéma d’origine.

Les Actes des conciles généraux et provinciaux qui furent organisés du IVe au VIe siècles permettent de suivre l’évolution de l’enracinement du christianisme en Transjordanie.


On devine ainsi, avec la multiplication des sièges épiscopaux, l’essor démographique qu’a connu la région ; à cette évolution a répondu la mise en place par les autorités ecclésiastiques d’un maillage administratif toujours plus étroit pour contrôler une population qui ne cessa de croître jusque dans la première moitié du VIe siècle.

L’essor du christianisme ne s’est pas fait sans heurts, provoqués d’une part par la résistance que le paganisme lui a opposée, d’autre part par ses propres facteurs de division interne.

Au IVe et au début du Ve siècle, les sources littéraires attestent la persistance du paganisme dans la région.

Ainsi Epiphane de Salamine signale-t-il la survivance des cultes païens à Pétra : évoquant le culte de Coré à Alexandrie, il précise qu’à Pétra s’y déroulent des cérémonies similaires au cours desquelles on veille toute la nuit en chantant des hymnes à l’idole en s’accompagnant du son de la flûte.

Vers 420, la Vie de Barsauma le Syrien atteste, de son côté, que les païens étaient encore très nombreux dans la région de Pétra.

Diverses inscriptions postérieures, gravées dans la pierre à l’entrée des églises, témoignent elles aussi de la résistance opposée par les cultes païens à la diffusion du christianisme ; l’une des plus connues, datée de la fin du Ve siècle, est celle de la porte de l’atrium de l’église Saint-Théodore à Jérash, près de l’ancien sanctuaire d’Artémis, dont elle prend violemment le rituel à partie, et s’énonce comme suit : « Je suis l’émerveillement et l’admiration des passants, car tout nuage de laideur s’est dissipé.

A la place des immondices d’autrefois, la grâce de Dieu m’a entouré de toutes parts. Autrefois, les animaux, douloureusement sacrifiés, étaient jetés ici et dégageaient une odeur infecte. Souvent, celui qui passait ici se bouchait le nez, retenait l’envie de respirer et fuyait l’odeur infecte.

Maintenant, les passants qui traversent cet espace d’immortalité portent la main droite au front et font le signe de la croix qu’ils honorent. Si tu veux apprendre qui m’a donné cette beauté aimable, sache-le bien, c’est Enée, le très sage et pieux prêtre. »

Si le christianisme oriental en général a été secoué par les importantes hérésies qu’ont été l’arianisme, le nestorianisme et le monophysisme, Epiphane de Salamine témoigne de la présence de nombreuses autres sectes hérétiques en Transjordanie, dont il nous dresse le catalogue sans toujours nous indiquer clairement quelles étaient leurs spécificités.


Théodoret de Cyr, au Ve siècle, évoque l’Arabie en insistant sur sa « fertilité en hérésies », et les sources littéraires y attestent la présence d’évêques, de supérieurs de couvents, de prêtres, de moines et de fidèles de confession monophysite, qui y rivalisaient activement avec les tenants de l’orthodoxie proclamée au concile de Chalcédoine en 451.

De leur côté, les inscriptions figurant sur les pavements de mosaïque des églises construites entre le Ve et le VIIIe, semblent montrer que les chrétiens de Transjordanie étaient animés d’une solide foi orthodoxe selon laquelle Dieu est Trinité sainte et consubstantielle d’après le canon du Concile de Nicée de 325, la grande dévotion pour la Vierge, Sainte Mère de Dieu, qui les animait posant cependant la question de leurs penchants pour le monophysisme.

Eglise orthodoxe en Jordanie

église orthodoxe, Jordanie

La prospérité matérielle de la Transjordanie et le dynamisme de ses communautés chrétiennes se sont traduites par l’édification de nombreux édifices de culte sur tout le territoire, souvent avec une densité inouïe, sur une période qui va du IVe au VIIIe siècle.

Ainsi Jérash compte-t-elle une vingtaine d’églises, dont cinq ont été édifiées sous le patronage de l’évêque Paul, entre 526 et 534, trois d’entre elles ayant même été construites côte à côte ; à Umm al-Rasas, ce sont quatre églises qui ont fini par occuper un îlot entier du village, consacré à la dévotion envers le proto-diacre et proto-martyr Etienne.

Or, si les décors portés sur les murs de ces églises n’ont que peu survécu, les mosaïques de pavement qui en ornaient les sols sont parvenues en grand nombre jusqu’à nous.

Ces mosaïques, où la richesse des motifs géométriques le dispute à la diversité des représentations figurées, nous révèlent souvent, grâce à de riches inscriptions en grec, très rarement en araméen christo-palestinien, le nom des commanditaires et des divers bienfaiteurs avec parfois leurs motivations, ainsi que l’identité des saints auxquels ces églises étaient consacrées.

Il apparaît ainsi que ces lieux de culte ont été édifiés en accomplissement d’un vœu, pour le pardon des péchés ou pour le souvenir et le salut des défunts de la famille.

Outre un foyer d’intense vie chrétienne, la Transjordanie, du fait des événements de l’histoire biblique et évangélique qui s’y sont déroulés, était aussi perçue comme un endroit où l’on pouvait revivre, dans le souvenir et la prière, les récits de l’Ancien Testament relatifs à certaines de ses figures majeures.

Partie intégrante de la géographie sacrée de la Terre sainte comme le montre avec éloquence la célèbre Carte de Madaba au VIe siècle, la Transjordanie, dont les grands axes de circulation avaient été soigneusement aménagés par le pouvoir impérial, était ainsi devenue un important lieu de pèlerinages en l’honneur de Moïse au mont Nébo, de son frère Aaron à Pétra, de Lot dans une grotte située non loin de la mer Morte, enfin d’Elie à l’ouest de Jérash.

Cette présence sacrée ainsi que le caractère montagneux et désertique de la Transjordanie ont en outre très tôt attiré les moines, ermites et cénobites, qui y ont laissé la trace nombreuse de leur présence sous la forme de modestes ermitages rupestres ou semi-rupestres ou de monastères parfois très vastes, en particulier sur les lieux de pèlerinage les plus célèbres.

La question du déclin de la présence chrétienne en Transjordanie suscite encore aujourd’hui bon nombre d’interrogations.

Les sources littéraires et l’archéologie ont clairement montré l’absence de rupture avec la conquête musulmane qui débute dès 634 pour notre région : même si les chrétiens durent rapidement s’acquitter d’une taxe de capitation et d’un impôt foncier, marques de leur soumission aux nouvelles autorités, leur situation matérielle ne semble pas avoir subi de graves bouleversements.

Bien au contraire, la présence de pavements de mosaïque datés des VIIe-VIIIe siècles montre que les communautés chrétiennes étaient encore suffisamment prospères pour financer de riches aménagements dans leurs églises ; sans que l’on ait pu en déterminer la cause formelle, celles-ci eurent cependant à souffrir, vers les années 720, d’une crise iconophobe qui provoqua la destruction de la plupart des représentations figurées, humaines ou animales, tant sur les mosaïques que sur le mobilier liturgique.

Le déclin du christianisme doit être, en réalité, lié au phénomène plus général du recul de la vie sédentaire qu’a connu la Transjordanie à partir du milieu du VIIIe siècle, et qui s’est manifesté par la contraction et même souvent l’abandon de nombreux sites occupés jusque-là.


Deux phénomènes naturels, dont les effets ont été accentués par le déplacement du centre de gravité de l’Etat vers la Mésopotamie avec la fondation, en 772, d’une nouvelle capitale, Bagdad, faisant de la Transjordanie une région marginale de l’Empire musulman, ont été avancés pour tenter une explication de ce bouleversement : la longue série des tremblements de terre et des épidémies qui ont régulièrement frappé la région et dont le souvenir a été rapporté par les chroniqueurs.


Sans que l’on puisse évoquer l’une ou l’autre catastrophe en particulier, même si le terrible séisme de 747 a été souvent avancé, c’est certainement leur répétition qui a dû progressivement affaiblir la population et la priver des moyens propres à se relever de ces terribles coups du sort auxquels elle avait su faire face avec tant de courage et d’énergie par le passé.

Le déclin du christianisme ne signifie pourtant pas sa disparition totale du paysage transjordanien, puisqu’à l’heure actuelle, le royaume hachémite de Jordanie compte encore une population chrétienne, dont les origines sont sans doute à chercher dans l’histoire brillante qu’a connue cette religion dans l’Antiquité.

F. Blukacz

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